SEPTEMBRE 2025 / SCULPTURAL POETRY, HOON MOREAU

En septembre 2023, le magazine Architectural Digest a publié un long article de couverture sur un projet de décoration intérieure réalisé par Jake Arnold, designer d’AD100, pour l’artiste John Legend, lauréat d’un Emmy Award, d’un Oscar, d’un Grammy Award et d’un Tony Award, et sa femme, mannequin et personnalité de la télévision Chrissy Tiegen. L’article présentait une image de leur piano-bar glamour et maussade, orné d’une paire de tables bulbeuses Enchantée en bronze, signées du designer franco-coréen Hoon Moreau . (L’édition internationale destinée au public hors des États-Unis, où les célébrités sont moins connues, présentait la table en couverture.) Arnold les a achetées auprès d’une galerie française, OAK Oneofakind , dirigée par un marchand de design français dynamique et entreprenant, Antoine Vignault.
« La série Enchantée a été lancée en 2016 et a immédiatement rencontré un succès », explique Vignault, assis dans sa galerie toulousaine, « mais l’histoire d’AD a propulsé la créatrice et son travail sous les projecteurs comme jamais auparavant. » Les tables jumelles en bois Enchantée sont désormais épuisées ; la dernière paire a été vendue à la célèbre décoratrice d’intérieur Julie Hillman à New York. Il reste quelques pièces des séries suivantes, Enchantée Ellipse et Les Enchantées Jumelles en bronze.
Vignault a rencontré Moreau en 2019 lors de sa participation au PAD Paris Design Fair. « J’ai été émerveillé par ses créations sculpturales qui fusionnent avec aisance l’art, le design et la nature pour créer des formes harmonieuses et immersives », explique-t-il. « Qu’il s’agisse de sculptures autoportantes ou d’objets fonctionnels comme des meubles et des luminaires, ses créations sont guidées par un profond respect des matériaux naturels – bois, bronze, pierre, cristal – et inspirées des formes que l’on trouve dans la nature. »
Les créations de Moreau transcendent, voire remettent en question, l’utilité, comme beaucoup de meubles de collection contemporains. Mais plus encore, elles semblent inviter le spectateur à toucher, à observer et à ce que Vignault décrit poétiquement comme une « connexion » avec les formes – tant sur le plan sensoriel qu’émotionnel, une qualité qu’il attribue en partie à son héritage biculturel, en partie à son amour des matériaux et à sa sensibilité et à sa vocation spirituelles singulières.
Le minimalisme coréen et les arts décoratifs français fusionnent dans les sculptures de Moreau, mais d’une manière qui les rend méconnaissables. Ses créations dégagent à la fois tension et fluidité, un dialogue entre l’espace extérieur, le corps humain, la culture et l’univers. Le résultat est un objet contemplatif qui intègre pensée et esthétique.
Sur le plan matériel, cette tension se manifeste par une série de contrastes visuels : entre lumière et ombre, équilibre et tension, sensation d’apesanteur et de lourdeur, entre permanence et transformation. L’artiste entre dans un état créatif guidé par l’intuition et la foi lorsqu’elle travaille, explique-t-elle, parlant de ses processus dans un langage nourri en partie par des ouvrages sur le spiritualisme, l’astronomie et les origines de la galaxie, notamment les travaux de l’astrophysicien canadien Hubert Reeves.
« Je sculpte le paysage de l’univers », explique Moreau. « À travers mon travail, je m’embarque dans un voyage fascinant, à la recherche de qui nous sommes. Me fondant dans l’obscurité de l’univers, je contemple le paysage époustouflant qu’offrent la Terre, les planètes et les étoiles. Je remplis mon corps de toute leur énergie, espérant que l’écho de ce vaste univers se manifeste dans mes œuvres. Le mouvement de mon poignet, comme s’il était celui de tout mon corps, m’entraîne dans un espace en quatre dimensions. »
Tout est réalisé dans l’atelier de Moreau à Épernon, petite ville rurale du Val-de-Loire. Croquis et dessins sont accrochés aux murs et empilés sur les tables, davantage comme le résidu d’une inspiration initiale que comme une idée fixe ou un guide. Il lui arrive de façonner des modèles en argile, mais ceux-ci lui servent simplement de points de repère. Elle travaille le plus souvent en solitaire, souvent sur plusieurs pièces simultanément. Son œuvre comprend du mobilier et des luminaires à la fois fonctionnels et sculpturaux, ainsi que des sculptures murales et des dessins.
Moreau a connu le succès grâce à sa collaboration avec Vignault, qui a vendu ses œuvres, par l’intermédiaire de sa galerie et d’Incollect, à de grands designers d’intérieur tels que Jake Arnold, Julie Hillman, Jacques Grange et Serge Castella. Ses œuvres font partie des collections du Musée Cernuschi à Paris et du Posco Art Museum à Séoul.