OCTOBRE NOVEMBRE 2022 / DANS LES NUAGES / Béatrice Pontacq, Artiste Peintre par Caroline Clavier, photos Nicolas Millet
Dans son atelier-maison bordelais, l’artiste Béatrice Pontacq travaille la matière pour raconter le mystère, la vie et l’impalpable. Ses traces et jeux de strates cultivent les profondeurs de l’invisible entre force et douceur. Comme une invitation immersive, la légèreté vaporeuse du fusain et la blancheur poudrée de l’argile floutent les frontières de ses cartographies imaginaires.
L’EXPRESSION DU MYSTÈRE
Trois nuages rouges et trois nuages blancs, la nuit entrelacés, sur la montagne, Béatrice Pontacq donne à ses oeuvres des titres qui prennent leur temps, comme elle et comme ses toiles silencieuses dont on peine à se détacher, croyant voir quelque chose que l’on saisit et qui s’échappe. Une invitation à l’immersion contemplative posée en creux dans ses paysages de strates, travaillés par de grands aplats de matières et de temps suspendu. “Regarder le ciel, se demander de quoi est il fait, percer les secrets de l’au-delà. Le vide est rempli de choses imperceptibles, ce flou et ce mystère me fascinent.” Tout commence par les pains d’argile que sa mère manipule pour ses sculptures et dont elle dispose à volonté, à portée de main, et ce depuis l’enfance. La matière, la manipulation tactile et sensuelle s’invitent toujours aujourd’hui sur la toile de lin et conduisent le geste. Elles posent les fondations sur lesquelles se juxtaposent ou plutôt “s’apposent” le fusain, l’huile, le pastel. “J’ai voulu un travail de “réconciliation” d’éléments antagonistes. L’argile pauvre, mate, friable et la dorure, symbole de richesse et de lumière divine dans l’iconographie traditionnelle se répondent. La dualité m’intéresse mais c’est la complémentarité que j’explore.” Délicate et réservée dans la vie, Béatrice Pontacq cultive le goût de l’effacement rempli de sens. “Si proche et si lointain” écrit en exergue sur l’un de ses catalogues l’historienne de l’art Corinne Szabo. L’ondulation de traces indéterminées, de formes en filigrane, le flou et l’impermanence illustrent la dualité du plein et du vide, de la présence à l’absence, laissant émerger peu à peu l’immatérialité de vies antérieures. Pour le traduire, le fusain et la multitude de ses petits points de charbon apportent cette légèreté vaporeuse, cette évanescence fragile entre force et volupté, allant du noir profond à la transparence du gris clair, selon l’épaisseur du trait. De la même façon, la blancheur poudrée de l’argile favorise la sensation d’écume brumeuse. Depuis peu, le choix de l’abstraction dans sa tentation de saisir l’invisible, se rapproche de choses plus formelles. Avec sa série “Nuages”, l’artiste convoque le figuratif pour interroger à nouveau l’éphémère, cette fois à partir des mirages du ciel. Les fresques italiennes du Quattrocento, tant dans l’intensité des couleurs que dans la disparition des images passée, ont nourri très tôt son imagination. Transformer cette mélancolie en poésie est au coeur de son travail créatif. Le choix de toiles grand format l’accompagne. Il favorise cette immersion méditative. l’oeil est aimanté par le mystère, l’illusion des formes et de mouvements fugitifs. Comme des écrans vivants, ses oeuvres jouent sur l’attraction, le temps suspendu, plongeant le regard dans des rêveries silencieuses. Antoine Vignault, dans sa galerie d’art de Toulouse, Oneofakind, présente les oeuvres de l’artiste , les associant à une sélection de pièces design et autres objets rares.
